La médiathèque Violette Leduc accueille à partir du 17 décembre 2022 une vingtaine de photos issues de ma fréquentation assidue de concerts en Islande. 
Médiathèque Violette Leduc
18 rue Faidherbe, Paris 11e
Métros Faidherbe - Chaligny et Charonne
Entrée libre aux horaires de l'établissement 
au 2e étage (espace musique & cinéma)




Comment un pays de moins de 350 000 habitants peut-il engendrer une telle profusion de musicien·ne·s - 120 groupes locaux rien que pour l’édition 2022 du festival Icelandic Airwaves, sans compter la programmation off croisée au coin d’un bar ou au détour d’une librairie ?
Certes, on retrouve certain·e·s musicien·ne·s dans plusieurs groupes, souvent de registres très différents d’ailleurs, mais quand-même…
Longues nuits d’hiver, sans doute, ennui de la vie loin de l’agglomération de Reykjavik, peut-être, mais quand-même…
Interrogé·e·s à ce sujet, mes ami·e·s islandais·es haussèrent les épaules : « la musique est enseignée à l’école aussi sérieusement que les autres matières alors on la pratique naturellement. »  Et toc ! 
Autre étonnement : la diversité des genres représentés. L’influence de la tête chercheuse Björk n’est pas si évidente, celle de l’ovni Sigur Rós encore moins, la scène métal - peut-être un lien avec le  Danemark -  est présente mais pas écrasante. Mais aller à Airwaves et arpenter les rayons des disquaires (pas moins de 7 dans le seul centre de Reykjavik) c’est écouter du punk féminin et féministe (Hórmónar), du rap d’influence Wu-Tang Clan (Cell7), de la musique expérimentale d’influence pop (Ólöf Arnalds) ou classique (Ólafur Arnalds), des héritiers de Simon et Garfunkel (Árstíðir, dont l’un des musiciens joue dans un groupe de métal), d’autres de Radiohead période lyrique (CeaseTone, dont le chanteur est aussi musicien pour un rappeur, JÓIPÉ), de la pop sautillante ou mélancolique, et même de la bossanova en islandais !  
Mais tout cela pourrait faire de la mauvaise musique, ou du moins pas terrible, ou pas innovante… sauf que non.  
La scène musicale islandaise est à la fois prolifique, de qualité et audacieuse.  
Il y a bien çà et là des groupes dont il est évident qu’ils ne sont pas à maturité, quelques artistes qui ne dépareilleraient pas dans le top 50 du mainstream anglo-saxon, mais le niveau général est étonnamment élevé et il n’est pas rare de voir des ados donner un set dans un bar ou un magasin de sport, entre deux portants, avec la conviction qu’on imagine avoir animé le mouvement punk à ses débuts.
Le musée du rock islandais, à l’ouest de Reykjavik, témoigne d’ailleurs d’une histoire largement passée sous les radars de notre presse spécialisée jusqu’aux turbulents Sugarcubes (premier groupe de Björk de 1986 à 1992), et notamment de l’arrivée sur l’ile de la première guitare électrique, pendant la seconde guerre mondiale à la faveur, si l’on peut dire, de la présence militaire britannique puis américaine (l’Islande n’a jamais eu d’armée et la base américaine ne s’est retirée qu’en 2006) ; cette influence britannique (et même plus précisément écossaise, Glasgow étant un autre bastion musical, les deux villes partageant en outre l’amour du foot et de la bière) donnera lieu dans les années 80 à une vague punk aussi brève qu’ébouriffée.
Étant portée naturellement vers la pop rock britannique des années 70 à 90 (génération des Inrocks en somme), Reykjavik est le lieu où je m’aventure sans hésitation sur des territoires éloignés de mes bases.
Le parti pris de ces quelques images est de capter l'énergie, la vibration de ces artistes dont je n'ai sélectionné que les moins connu·e·s en France, la plupart ne tournant pas hors d’Islande, ou seulement en Scandinavie.
Dark Water est la chanson que j’écoute pour accompagner le décollage de l’avion quand je quitte l’Islande. Du rock énergique, énergie décuplée sur scène par un chanteur que rien n’arrête, pas même s’accrocher au plafond d’un bar pour sauter par-dessus les spectateur·trice·s.  Trois garçons qui font beaucoup de bruit, mais du bruit mélodique.
Le groupe n’est guère connu en France, malgré un concert à l’Alhambra en 2017 et au Klub (Paris) et La Laiterie (Strasbourg) en 2019, visiblement restés sans suite. 
Dans la lignée de Simon et Garfunkel, ce quatuor masculin explore tous les registres des polyphonies vocales, parfois a capella, parfois accompagnés de musicien·ne·s classiques, et récemment dans un registre pus rock. 
Très actifs sur les réseaux sociaux, ils proposent régulièrement des captations de leurs répétitions, nouveaux enregistrements, mais aussi de petits concerts improvisés en pleine rue à Reykjavik ou lors de leurs tournées.
L’un des guitaristes joue occasionnellement avec le groupe métal
Sólstafir.
D’année en année, Hafsteinn Þráinsson, le chanteur de ce groupe que je suis depuis 2016, garde son allure d’adolescent cramponné à sa guitare et de chanteur bondissant… pour du rock mélodique et lyrique aux accents de Half Moon Run (et donc de Radiohead).  Mais le jeune homme trouve le temps pour d’autres projets et cette année j’ai eu la surprise de voir apparaitre en fond de scène avec JóiPé, rappeur star en Islande pour son duo avec Króli, et qui n’évite pas tous les clichés du genre. Un curieux attelage, qui semblait les réjouir tous les deux (moi, un peu moins, pour être honnête).
Dans un paysage sans cesse renouvelé par de très jeunes musicien·ne·s, ENSÍMI, créé en 1998, fait figure de vétéran. Un groupe uniquement masculin (c’est assez rare pour être noté dans un paysage où les musiciennes ont toute leur place), très grunge, très présent sur scène, très bon.
La première fois que j'ai vu ce quatuor en 2017 c'était au Gaukurinn, bar rock phare de Reykjavik, et moi qui avait raté la vague punk londonienne, j'ai cru en la téléportation spatiale et temporelle. Je les ai revus 2 ou 3 fois avec le même plaisir fulgurant.
JFDR est une star en Islande, donc je vais me mettre des gens à dos en disant que c’est le genre de pop qui ne laisse aucune trace en moi. Mais son jeu de scène étudié, voire sophistiqué, donne l’occasion de bonnes photos, ce dont je lui sais gré.
Leur cold wave sombre n’est pas le genre de musique qui tourne en boucle sur mes platines, mais leur présence scénique est assez fascinante… et photogénique.
Là aussi une musique que je goûte peu, mais la prestation scénique du jeune Kaktus Einarsson, également chanteur de Fufanu, emporte l’enthousiasme. Ce garçon a beaucoup d’assurance et occupe l’espace avec brio.
Ce trio de barbus chevelus tatoués, qui porte le nom de son compositeur et chanteur, interprète avec maestria un folk classique et énergique.
Je ne les ai découverts qu’en 2016, mais le groupe a déjà presque 20 ans. À l’origine, un trio de filles qui ont commencé à jouer ensemble à 13 ans, puis ont recruté un garçon à la seconde guitare et un autre à la batterie. 
C’est le groupe islandais que j’ai vu le plus sur scène, 11 fois à ce jour. S’ils jouent deux jours de suite, j’y vais, s’ils jouent deux fois dans la même journée, j’y vais. Et je ne sais toujours pas vraiment qualifier leur si puissant attrait. Du rock à guitare sans aucun doute, dont la singularité est difficile à caractériser. Déjà très bons sur disque, c’est sur scène qu’ils sont les plus impressionnants, comme un gang soudé autour de la très charismatique chanteuse Kata, capable de monter sur scène très très enceinte et d’emporter la salle dans la transe dont le groupe a le secret. 
Ils n’étaient pas programmés cette année à Airwaves mais au premier concert que je suis allée voir dans un magasin de disque j’ai croisé la guitariste qui ‘a assuré qu’ils jouaient l’an prochain. Le lendemain j’ai croisé la chanteuse au supermarché avec sa poussette. Bref, quand Mammút n’est pas là, ils sont là quand-même.
La mine sombre et le tatouage ostentatoire (même en Islande où c’est très commun, la tache noire autour de l’œil du chanteur ne passe pas inaperçu), ce très jeune groupe a visiblement écouté les Clash (dont ils livrent une reprise intense) et les Sex Pistols et propose un rock énervé et légèrement brouillon, qui a néanmoins fait se lever toute la salle du très cosy foyer pour étudiant·e·s de l’université.
Figure majeure de la musique contemporaine (une sorte de Pierre Henry local), Skúli Sverrisson compose des univers sonores très enveloppants, qu’il interprète à la basse et souvent en collaboration avec d’autres musiciens.
Dans un pays où le cloisonnement des genres, des générations et des frontières n’est jamais un obstacle, il a travaillé avec Lou Reed, David Sylvian, Ryuichi Sakamoto ou Blond Red Head.
C’est avec le jeune compositeur d’électro Gudmundur Arnalds que je l’ai vu improviser un set hypnotique (du genre qui fait perdre la notion du temps), au très sympathique Mengi (dont Gudmundur est d’ailleurs l’un des cofondateurs), salle minuscule (20 places tout au plus, on s’assoit sur les marches) à la programmation aventureuse de musique, œuvres vidéo (quelques jours avant j’y ai vu une installation de Ólöf Arnalds, autre Géo Trouvetou à qui on doit notamment un sublime duo avec Björk. (Surrender) et de performances qui échappent à toutes les cases. Mengi est désormais un label qui édite des disques tout aussi singuliers.
Cette sélection exclusivement islandaise écarte de fait des groupes découverts grâce à Airwaves et qui méritent le détour.
Avant tout The Holy, intense quatuor finlandais dont la fièvre et le sérieux sont en descendance directe de Joy Division ; mais aussi les dublinoises Pillow Queens et les brightoniennes de Porridge Radio qui naviguent entre The Breeders et Big Thief ;  le cow-boy crooner militant gay canadien masqué Orville Peck ; l’ange réincarné de Jeff Buckley en Tamino, qui livrait en 2018 l’un de ses premiers concerts ; Mumford and Sons, stars britanniques dont je n’avais jamais entendu parler avant de découvrir qu’ils étaient la tête d’affiche du festival 2017.
Et allez comprendre pourquoi, dans cette programmation pléthorique il n’y a jamais de Français·e·s. Musicien·ne·s lecteurs·trices de ces lignes, postulez !

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