Écoutez Jean Rolin lire un extrait de son récit. (p. 42)

Durée : 1 min 56

Est-ce dû à la vigilance du Rotary club qui avait embrigadé Jean Rolin bien malgré lui dans une ''opération ménage'' ? En tout cas lors de mon passage, la promenade qui ceinture la prison de Melun est d’une propreté irréprochable, mais moins silencieuse qu’il ne l’avait trouvée, en raison de piques niques et autres rassemblements éparpillés tout son long, et abritant non pas des pigeons morts mais des canards vivants - et peu farouches.
Côté aval de l’île Saint-Etienne à Melun, à l’opposé donc du centre de détention, c’est un cygne, d’une taille que je n’avais jamais vue, qui procède, tel un chat, à une toilette méthodique et contorsionniste, dans une complète indifférence à ma présence à moins d’un mètre. Malgré mes efforts, je ne trouverai nulle trace des nids que les cygnes ont nécessairement construits sur les berges, mais je tombe sur quelques objets flottants moins adaptés à l'écosystème.
Les « six platanes énormes, dont les troncs, bosselés d’excroissances, ont pris avec le temps la couleur et la texture de la pierre, à force, j’imagine, de se trouver submergés à chaque crue de la Seine »* et que Jean Rolin espère voir un jour pris par les glaces tels que Monet les a peints en 1880, sont pour l’heure écrasés de soleil.  
*Le Pont de Bezons, Ed. P.O.L, 2020, p. 44
Alors que je me pose sur un banc au pied de l'enceinte de la prison qui occupe la pointe amont de l’île Saint-Etienne, face à moi, sur l’autre rive, assise au ras de l’eau sur un talus qui descend vers la Seine, une femme soliloque, seule.
De là ou je suis, et malgré la largeur du fleuve en cet endroit, je ne perçois que quelques mots, et un fort accent probablement d'Europe Centrale. Il émane de cette scène un grand désespoir.

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